J'ai souvent cherché à convaincre mes interlocuteurs sur le caractère erroné et délétère du mythe du chien dominant, à montrer mon indignation vis-à-vis d'actes de violence et d'utilisation d'outils coercitifs. Je me suis souvent évertuée à argumenter sur deux mondes opposés par leur philosophie et par leurs méthodes d'apprentissage.
Depuis 2012, année durant laquelle je suis entrée dans le "monde professionnel du chien", j'ai cette volonté d'aider les chiens et leurs familles à mieux vivre ensemble, autant que possible. Les formations, les rencontres, les lectures, les expériences et mon ressenti ont, pour la plupart, contribué à m'ancrer davantage dans cette vision bienveillante du chien.
Je ne connais personne qui n'ait jamais commis d'erreurs, à commencer par moi-même. Comme beaucoup, j'ai eu des chiens dans ma vie depuis toute petite. Et comme beaucoup, j'ai continué à vivre avec des chiens dans ma vie d'adulte. Je me suis plantée bon nombre de fois, souvent à cause de conseils erronés que j'avais toujours entendus. Le fameux "c'est comme ça qu'on fait depuis toujours" ... Je réalise à quel point j'ai eu de la chance, car, malgré ces bourdes, la vie a été plutôt chouette en compagnie de mes chiens. Enfin, je dirais plutôt que mes chiens ont été très chouettes avec moi, vraiment très chouettes. L'éducation canine, je n'en avais jamais vraiment entendu parler avant les années 2010, aussi incroyable que cela puisse paraître. Dans ma famille, les chiens avaient toujours fait partie de nos vies, tout était simple, tout le monde s'en occupait, jamais je n'avais d'ailleurs entendu de mots comme "dominant" ou "chef de meute".
C'est Eliot qui a tout chamboulé, le 29 décembre 2010. C'est ce jour-là qu'il a croisé notre route, dans un refuge, à l'âge de 6 mois. C'est notamment grâce à lui que j'ai appris, beaucoup, beaucoup de choses, pour m'aider à le connaître, à le comprendre et à lui redonner confiance. Eliot est l'exemple type du chien qui vous demande une bonne dose d'humilité et de patience. Forcément, quand un chiot d'à peine 4 mois est récupéré par la fourrière et passe deux mois en refuge ...
J'entends et je lis encore beaucoup de discussions sur la dominance, sur les professionnels qui prônent toujours malheureusement une relation basée sur la force et le contrôle du chien. J'entends et je lis aussi des critiques émises à l'encontre des professionnels de la nouvelle génération qui ne se mettent pas suffisamment en avant pour faire entendre leur vision du chien et le bien-fondé de leur travail.
Tout cela finit par être usant. Il n'est plus possible aujourd'hui de nier des choses qui devraient être pourtant évidentes. Je trouve que, décidément, on perd un temps fou et beaucoup d'énergie à échanger sur de tels sujets ou individus. C'est, finalement, leur donner une importance qu'ils ne devraient plus avoir de nos jours.
Il ne devrait plus y avoir de débat aujourd'hui. On entend "méthodes coercitives" versus "méthodes positives". Mais c'est plutôt de philosophie, d'approche, dont il s'agit, pas de "méthode". Le chien doit, aujourd'hui, être considéré comme un individu à part entière, capable de réflexion et d'émotions. Vivre avec un chien, c'est apprendre à le connaître et à le comprendre. C'est la compréhension qui mène à la réussite dans les apprentissages, pas le conflit et la diabolisation. C'est aussi et surtout le respect. Le respect du seuil de tolérance du chien : savoir s'arrêter parce qu'on a compris que l'environnement n'était pas favorable pour le chien, parce que le chien n'avait peut-être pas compris ce qu'on lui demandait, peut-être aussi parce qu'il était fatigué. Vivre avec un chien, c'est, enfin, cesser de reporter la faute sur lui sans se remettre en question parce que oui, disons-le, l'humain et sa toute-puissance, c'est une longue histoire ...
L'éthologie, les recherches, les études scientifiques, les neurosciences et, oserait-je dire, beaucoup de bon sens et de recul, permettent aujourd'hui d'établir la façon dont nos chiens apprennent et appréhendent leur environnement (dont nous, les humains, faisons partie). Nous connaissons les besoins inhérents à leur espèce, leurs émotions, les conséquences qui mèneront à la répétition ou à l'extinction d'un comportement, et tout cela ne pourra qu'évoluer car nous n'avons pas encore terminé d'en apprendre sur eux ...
Mon approche du chien est moderne et bienveillante, tout simplement. Elle implique de l'observation, de l'écoute et surtout une bonne dose de remise en question, en fonction des chiens avec lesquels je vis ou de ce ceux avec lesquels je travaille.
J'exclus l'utilisation du terme "éducation positive" ou "méthodes positives", pour les mêmes raisons que celles qui me motivent à combattre les vieux mythes : c'est erroné. Au-delà d'une image qui ne reflète pas le sérieux de notre métier, parler d'"éducation positive" ne traduit pas, dans la pratique (et dans la vraie vie) les principes fondamentaux de notre travail. Qu'est-ce qui, selon vous, favorise les comportements inappropriés, ceux qui nous font souvent dire "mais on lui cède tout !" ? Hmmm ? C'est la réponse systématique que l'on donnera à la demande, même si l'individu s'est "mal conduit". Timo, 6 ans, a obtenu le jouet qu'il avait réclamé avec force, après avoir été irrespectueux envers les clients et la vendeuse ... parce que sa maman voulait "la paix" ... Qu'a-t-il appris finalement, le petit Timo ? "Je peux avoir tout ce que je veux et comme je veux". CQFD.
Je reviens au chien : un professionnel du comportement et de l'éducation canine va, certes, renforcer les comportements appropriés, mais il va également apprendre au chien qu'il ne pourra obtenir ce qu'il veut que si le comportement est approprié. Tu veux continuer la balade et dire bonjour aux copains ? Je t'apprends à être plus calme, à attendre, tout simplement, au lieu de continuer à me faire traîner telle un musher. On voit bien ici que je ne peux pas toujours être "positive" et répondre systématiquement à la demande de Poopy. Parce que Poopy, il va grandir et bientôt peser dans les 45 kilos ... Et qui va dire après que "les méthodes positives, ça marche pas" ? Mes clients, bien sûr, et ils auront raison.
Je n'ai pas la prétention de révolutionner quoi que ce soit, ni de donner des leçons de vie et encore moins de chercher à être populaire. Je tiens juste à rester dans la ligne droite que j'ai choisie depuis le départ, celle de la pédagogie, de la connaissance, du respect et de l'humilité. Bon nombre de personnes m'ont fait confiance et ont constaté le bien-fondé du travail que nous avons fait ensemble, pour leur chien. Rien n'est acquis définitivement et il faut avoir conscience que vivre en harmonie les uns avec les autres ne se fait pas sans effort ni remise en question. Et nous en avons tous la capacité, je veux le croire.
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