Si je devais sélectionner un sujet dans le TOP 5 des prises en charge les plus fréquentes et les plus complexes, ce serait l’anxiété de séparation. Alors bien sûr, le plus souvent, ce n’est pas dans ces termes que l’on m’explique les raisons pour lesquelles on fait appel à moi.
On évoquera par exemple :
des destructions plus ou moins massives
des plaintes du voisinage pour vocalises intempestives
de la malpropreté répétitive
un temps d’excitation inhabituel au retour de la famille
des signes de stress avant le départ
des comportements de léchages excessifs ou d’automutilation
des comportements dangereux pour le chien
Une situation est devenue ingérable et excessivement stressante
L’intensité, la fréquence et le nombre de ces manifestions variera en fonction des cas.
Mon travail consistera à prendre toutes les informations qui me seront nécessaires pour mettre en place un (gros et long) plan d’action et de suivi avec la famille.
Pour assurer les meilleurs résultats possibles, l’implication de la famille est un facteur essentiel. Mais qu’est-ce que cela signifie ?
La famille doit être capable d’entendre la parole du professionnel et d’accepter de se remettre en question
Elle doit respecter les consignes transmises, à l’unanimité
Les exercices mis en place par le professionnel doivent être entraînés à la fréquence demandée
„Ce n'est pas si terrible !"
J’aimerais insister sur un aspect que l’on a trop souvent tendance à dédramatiser : le stress intense que le chien subit à chaque absence.
On pense, à tort, que plus un chien montrera des signes impressionnants, plus le stress sera intense. Certains chiens seront plus « démonstratifs » que d’autres, chacun exprimant son stress de manière différente … Comme les humains !
La démonstration de signes de stress peut donner une information erronée sur l’intensité des émotions ressenties par l’individu :
Un état de panique n’engendrera pas toujours des mouvements excessifs. Une peur intense n’entraînera pas systématiquement des cris intenses.
Comprenons bien que les mécanismes de défense présentent autant de variations dans leur démonstration chez l’humain que chez l’animal. En revanche, ce qui ne varie pas pour l’anxiété de séparation, c’est son caractère intense et violent pour le chien, une mise en immersion plus ou moins longue et répétitive. On sait tous qu’être mis en immersion de manière récurrente ne résout rien, bien au contraire ! On sait également qu’à force de déclenchements, le chien aura de plus en plus de mal à revenir à l’équilibre. À force de tensions, sa perception de l’environnement en sera altérée. Il pourra par exemple montrer des signes d’intolérance. Et à terme ? Du stress chronique. Avec les conséquences potentielles sur sa santé … Comme pour les humains !
Illustration
Dans mon ancienne vie professionnelle, j’ai vécu deux expériences en apparence similaires.
La première : mon supérieur hiérarchique m’a confié de nouvelles missions. Il s’agissait pour moi d’effectuer des tâches jusqu’alors jamais expérimentées. Nous en avons donc discuté : tout en étant fière de cette « promotion », j’ai exprimé mes doutes, ma peur de ne pas y arriver, de ne pas être à la hauteur. J’ai obtenu en retour des mots encourageants, justes et bienveillants. Je savais surtout qu’en cas de besoin, il serait en mesure d’assurer le back-up. Ce fut l’une de mes plus belles expériences professionnelles. Malgré la soudaineté et le stress, j’ai travaillé en confiance et accompagnée.
La seconde : autre univers, autres personnes, autre contexte. À la suite d’un départ, mon supérieur hiérarchique m’a annoncé que les tâches effectuées par le collègue parti m’incomberaient désormais, sans aide en cas de besoin. Il s’agissait également pour moi de me lancer dans un domaine inconnu et qui nécessitait des connaissances techniques que je n’avais pas. J’ai donc exprimé mes doutes, ma peur de ne pas y parvenir. J’ai eu en retour des mots qui se voulaient en apparence encourageants, me laissant voir une belle opportunité. Mais qu’ai-je ressenti en réalité : l’impression de me noyer dans un environnement hostile et sourd à mes appels au secours. J’ai pris le temps d’exprimer, non pas mes doutes cette fois-ci, mais mon incompréhension, mon désaccord. J’ai argumenté. Je n’ai eu en retour qu’un mur m’imposant littéralement d’accepter la situation.
Ce que dit cette petite histoire …
Lors de cette seconde expérience, l’immersion que l’on m’a imposée n’a pas induit la même réponse de ma part. J’ai ressenti de la détresse, de la panique, de la colère. Je ne l’ai pas manifesté plus que cela. J’ai fait le job, comme un « bon soldat ». Mais ce tsunami d’émotions a eu évidemment un impact sur ma manière d’être au quotidien, de façon subtile et presque imperceptible, pour ensuite causer quelques désagréments pour ma santé.
En conclusion ?
Les mécanismes liés au stress et leurs conséquences sont identiques pour le chien. J’insiste encore une fois : n’amoindrissons pas des signes qui pourraient paraître trop faibles pour s’en inquiéter.
Aider un chien à mieux vivre une absence modérée est nécessaire. Prendre le temps qu’il faudra pour y parvenir, avec l’aide du professionnel, oui, c’est possible !
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